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LA GORBATCHADE
EN TECHNOLOGIE ET TRANSPARENCE
«Des
visages humains sont certainement prêts, d’ores et déjà, pour une vaste
manœuvre de diversion de ce genre
(à la Khrouchtchev) car la rébellion pourrait éclater à tout instant». Parti-État, Stalinisme, Révolution (1974) - Page 100. |
Ce n’est pas la première fois que des hauts gouvernants du pays faussement appelé Union Soviétique parlent de nouvelles implantations technologiques. Mais à présent son arriération dans ce domaine est plus visible, et devenue dangereuse à plus d’un titre. L’intention d’y remédier, plus vantée qu’autrefois, est une des bribes mises en scènes par Gorbatchev sous la devise générale : transparence. Elle s’avèrera inapplicable car, à rebours de ce que le mot signifie, ils s’en servent pour cacher la réalité, qui est très grave.
En effet tout d’abord il y a opacité, et même ténèbres, dans cet énorme fait : qu’à l’heure qu’il est, il soit nécessaire là bas , comme dans un pays arriéré quelconque, de parler de modernisation de l’outillage. On comprend à la première réflexion que si l’économie russe était socialiste, sa technologie serait la meilleure du monde parce que le principal et plus fécond facteur technique du socialisme, c’est une relation entre le travailleur et l’outillage, entre les producteurs et les produits, entre la société entière et la technologie, qui facilitent et requièrent au maximum ses innombrables applications pratiques, en plus du savoir scientifique qui les détermine et les guide. Quiconque est en droit de se demander : comment diable se fait il que 70 après le grand Octobre 1917, presque toute la population vive dans la pénurie, quand ce n’est pas dans la pauvreté, passablement plus mal et avec moins de liberté que dans les pays occidentaux officiellement capitalistes ? La raison plus générale d’un tel fiasco est que l’économie russe garde, renforcée, la relation entre force de travail et instruments de production caractéristique de l’exploitation, et que par conséquent il s’agit de vulgaire capitalisme, à l’opposé de ses dires.
Mais ce n’est là que le fond structurel de l’explication, qui ne rend pas entièrement compte de la réalité quotidienne en Russie. Un autre facteur immédiat, politique et donc très important, a directement fait que la technique n’a pas produit dans son territoire des effets similaires à ceux d’autres secteurs capitalistes. C’est que le capitalisme étatique a été imposé coercitivement en Russie, à l’opposé du cours communiste inscrit dans et déterminé par la révolution de 1917. Il ne s’agit pas d’un capitalisme qui aurait poursuivi sa croissance comme tout autre, c’est à dire sans solution de continuité. Il y a eu une rupture tranchante, et si radicale que sa seule signification - d’ailleurs voulue - était d’entamer la structuration sociale communiste. Annihilant cette impulsion par le fer et dans le sang, la contre-révolution a imposé une distorsion énorme et destructrice dans tous les aspects ; elle a entravé et perverti même les relations sociales de l’exploitation et de la culture de son propre capitalisme d’État, diamétralement opposé à la marche vers le communisme. Si durant tant de décennies, l’économie russe a été incapable d’égaler technologiquement ses équivalents occidentaux, la principale cause réside dans l’extermination des révolutionnaires de 1917 et de millions et de millions d’hommes incompatibles avec sa réactionnaire marche en arrière. C’est à cause encore, et cela n’est en rien secondaire, de la diffamation de ses victimes et de l’immonde falsification consistant à se présenter comme socialiste, le contraire de ce qu’elle est (note1). Dès lors, le mérite principal et le mieux rétribué a été la servilité envers le pouvoir. Une contrefaçon sociale aussi monstrueuse devait causer des effets dévastateurs, non seulement dans l’économie russe, mais bien au-delà. On les ressent encore dans le monde entier.
Le funambulisme technologico-administratif nous offre la preuve éclatante de ce qui vient d’être dit de la restructuration, ainsi que la «transparence» et autres bourdes de la gorbatchade. Le capitalisme est toujours, par son organisation et sa circulation sociale même, un obstacle à la meilleure rénovation technique possible à tout instant. Se mettant sous sa sauvegarde, la contre-révolution a ajouté à cet obstacle congénital au système, ceux créés par sa propre activité destructrice, qui lui sont caractéristiques et attachés à vie. Voilà pourquoi son capitalisme a montré une si faible efficacité technique relativement à d’autres. De même cela explique que de temps en temps ses hiérarques déclenchent des campagnes pour en augmenter l’efficacité. Toutefois, rien, absolument rien ne leur permettra de dépasser la mesquinerie et la bestialité de leur contre-révolution.
Ce n’est point une digression que de rappeler que les leaders chinois - au pur pedigree moscovite - déclaraient il y a quelques années, à des visiteurs étrangers qui les questionnaient : « nous nous équiperons d’armes atomiques même si les gens doivent aller pieds nus ». Nous avons là, quoique incomplète, une définition de la perversité des applications technologiques du monde actuel, même si le degré de nudité des masses prolétaires change d’un pays à l’autre. La vérité tout entière quant à la technologie est encore pire. Pour le voir et l’interpréter dans toute son ampleur, il faut délaisser l’énumération détaillée de ses applications concrètes, et focaliser ses impulsions déterminantes. De là proviennent toutes les conséquences sociales, y compris les antagonismes concurrentiels et militaires. Ainsi donc il faut le voir panoramiquement, en tant que fonction de production et de reproduction du type de civilisation existant. On ne peut trouver d’autre clef interprétative. De plus les chiffres exacts à ce sujet sont inaccessibles, autant pour nous, révolutionnaires en mal de finances, que pour les grands centres statistiques du capital. Cependant on peut calibrer le mouvement économique de la société actuelle et de chacune de ses parties, ainsi que les conditions et les dérivations de toute innovation technologique.
Imaginons que l’on isole un cycle quelconque de production mondiale. Tout d’abord, il faut signaler que sa valeur d’ensemble, y inclue la richesse immeuble (accumulation antérieure) en quantité si vaste qu’elle reste imprécise, est propriété des couches privilégiées de la société. La proportion de ces dernières est avec certitude inférieure à 15% de la population totale de la planète, quelques 500 millions de personnes en gros. Peu nous importe là que cette propriété soit individuelle, de grandes compagnies ou de l’État. Une fois accompli le cycle de production, la valeur mercantile, c’est à dire la valeur en argent de tout ce qui a été produit, revient à ces 15% de possédants, quelque soit la répartition entre eux.
De la somme totale il faut défalquer le montant des salaires versés à la population effectuant la production générale, montant qui est contenu dans la valeur marchande des produits résultant du travail. En tenant compte du rendement moderne, et en déduisant l’amortissement de l’outillage, lui aussi contenu dans le produit, ceci ne représente pas plus de 20% du chiffre global. L’autre partie, soit 80%, représente les valeurs nouvellement crées et devient propriété exclusive de la couche sociale dirigeante, qui dispose d’elle selon son bon vouloir. Avant de poursuivre, il faut préciser : les 85% de la population qui ont effectué directement ou indirectement l’effort productif, reçoivent environ 20% de ce qu’ils ont créé. En revanche, les 15% de hiérarques en récoltent 80%, c’est à dire sa valeur mercantile, sans jamais perdre de vue la continuité de leur empire économico-politique dans chaque pays et sur la Terre. Ceci n’empêche pas, mais au contraire engendre la division en zones nationales rivales ou complices. Une richesse si colossale, si immense, se volatilise, sans autre fonction que le maintien des chaînes du capital sur la société, dans chaque pays et mondialement. Et peu importe ici que la prépondérance aille à un secteur ou à un autre.
Une partie considérable des 80% est dilapidée en dépenses somptuaires ou thésaurisée par les 15% de privilégiés, des plus modestes aux plus grands potentats. En second lieu viennent les frais de police et surtout militaires, industrie d’armement et achats d’armes compris, en quantités constamment croissantes. Ensuite les dépenses d’administration, de domination politique et de surveillance, des innombrables secteurs particuliers du procès général de la production (ce qui gonfle le secteur dit tertiaire). Après, les dépenses scolaires, toutes catégories confondues, et de santé, dont une partie indiscernable, représentant des travaux corrélatifs à la production nécessaire, se retrouve dans les 20% qui reproduisent la force de travail utilisée dans le cycle entier.
Enfin, et tout en passant outre des secteurs moins visibles, le « reliquat », d’importance variable selon les cycles, constitue l’accumulation élargie du capital ou richesse matérielle nouvelle après chaque cycle. C’est elle qui alimente les investissements nouveaux, et avec eux et pour eux, les recherches scientifiques et les applications techniques qui en découlent.
Il convient d’affiner l’analyse. De toutes les portions dégagées des 80% du produit, celle absorbée par la consommation somptuaire ou individuellement thésaurisée par tous les privilégiés, tout en étant très copieuse, reste bien en deçà de toutes les autres, et en particulier de celle dévorée par la chose militaire. Elle est par contre, la partie déterminante et décisive dans tous les domaines, y compris dans l’enseignement, la santé et les sciences. Le système fonctionne par et pour cette partie, d’un bout à l’autre. Ceux qui jouissent de cette partie là constituent l’élément subjectif du mécanisme économique mondial. Ce sont eux qui imposent l’ordre et la patrie dans la chasse gardée nationale ; ils sont l’agglomérat anthropomorphique de la civilisation capitaliste.
Rien, absolument rien d’officiel ne se fait sans correspondre à la convenance actuelle et à l’affirmation future de son système ; bref, à sa convenance en tant que couche sociale exploiteuse. Dit de façon plus restrictive et directe, toute application technologique, de la plus simple à la plus perfectionnée, doit servir à agrandir la part des privilégiés et à réduire celle des travailleurs : encore plus de 80% pour les premiers, et moins de 20% pour les seconds. Rapportée à la population humaine, la modernisation technologique donne à 750 millions de privilégiés la majeur partie de la production, et la petite partie des 20% va aux 4250 millions habitants de la Terre (note2).
Cette divergence ira en s’agrandissant au fur et à mesure des perfectionnements techniques. S’il n’en était pas ainsi, aucun capitalisme n’appliquerait la moindre innovation, cela va de soi. A tel point que même celles qui existent fonctionnent à tout moment avec une limitation préméditée.
Une autre conséquence, complètement négative, de la technologie au service du capitalisme, en est le chômage ouvrier. Il ajoute au paupérisme relatif de ceux qui travaillent, la paupérisation absolue des sans-travails à toute la classe, sans parler ici de l’enrégimentement semi-militaire de toutes les activités, selon le modèle du Japon. C’est ce pays du lointain Orient, déversant un déluge de marchandises bon marché malgré les distances, et de bonne qualité, qui a déclenché la course à la compétitivité où sont embarqués les occidentaux, et que maintenant Gorbatchev veut singer en Russie.
Mais ni Gorbatchev ni personne de son bord ne pourra échapper aux impératifs du système mondial dans lequel la Russie s’est incrustée. Les oligarques du parti dictateur ont toujours prétendu que le chômage était exclu sur leurs domaines. Franco en prétendait autant pour l’Espagne, parce qu’il le dissimulait aussi, mais par « charité chrétienne ». Les dictateurs russes le font, poussés par leur fausseté invétérée. Mais ils sont arrivés à un tel stade de dégradation mentale, qu’ils ne se rendent même plus compte que leur propre expression leur inflige un cinglant démenti. En effet, pour qu’il n’y ait pas, pour qu’il ne puisse pas y avoir de chômage, l’unique mais inévitable condition est que la classe ouvrière elle-même ait disparu.
Rare, diffus, plus ou moins bien caché, le chômage est indissociable de la fonction précise du travail exploité. Jusqu’à présent, la Russie occultait son chômage par le retour au village d’origine, au moyen de nombreux camps de travaux forcés, par la déportation, par le vagabondage, que la corruption généralisée encourage, par des occupations plus mal payées qu’un chômeur dans d’autres pays, ainsi que par la productivité très basse due à son arriération technologique. A cela il faut encore additionner 7 à 9 millions de militaires mobilisés en permanence. Surajouté aux effets dévastateurs de la contre-révolution, on obtient un tableau clair de la faiblesse matérielle de la Russie comme puissance impérialiste, de sa fragilité partout où elle domine, de même qu’à l’intérieur de ses frontières, où la population méprise et déteste tout ce qui vient du pouvoir ou est en rapport avec lui. C’est également ce qui rend à peu près nulle sa compétitivité internationale.
Pour simplement tenter de corriger ces maux et défauts, la gorbatchade doit se mettre à l’école de ses semblables occidentaux et japonais. Désormais, cela ne lui vaut rien de cacher le chômage, ou de le minimiser par ses statistiques. Plus de 15 000 ouvriers ont été licenciés dans les chemins de fer de Biélorussie. « On parle » (impersonnel, parce que l’opacité baptisée transparence laisse passer peu de lumière) de centaines de milliers dans la zone industrielle du Nord et des millions suivront, en plus des sans-travails cachés antérieurement. Plus la réorganisation technique sera effective, plus elle entraînera de licenciements, outre ses divers effets négatifs.
Dans le cadre du système existant, c’est un résultat non seulement inévitable, mais nécessaire à sa prospérité dans chaque pays et internationalement. Aux États Unis, la reprise de la croissance est loin d’avoir absorbé tout le chômage. De même en Allemagne. Au Royaume Uni, économie et chômage croissent en même temps. En France, des hommes du gouvernement fixent à 2,5 millions « incompressibles » le nombre de chômeurs, une fois atteinte la croissance maximale attendue.
La concurrence mercantile, la compétitivité tant voulue compte pour beaucoup dans les projets de Gorbatchev et Cie, car c’est en dernière instance le soubassement matériel qui oppose le bloc militaire commandé par la Russie à celui commandé par les États Unis. Or sa démarche préliminaire consiste à faire marquer le pas à son économie, si maladive, le pas exigé aujourd’hui par un capitalisme moyen quelconque. Les hiérarques du Parti État n’ignorent pas leur dangereuse infériorité dans ce domaine. Elle affaiblit aussi leur capacité militaire, malgré les soins et les dépenses spéciales accordées à cet aspect de la production. Cette double considération inspire les manœuvres sur l’armement atomique.
Il s’agit donc d’une détermination de la concurrence marchande, et par conséquent, militaire, envisagée à longue échéance, sauf incidences imprévisibles. Toutefois, l’aspect concurrentiel du capitalisme dans l’actuelle conjoncture, à partir de laquelle le perfectionnement technique, même important, loin de porter un développement social, lui fait obstacle et le corrode, ne nous intéresse pas, nous les révolutionnaires, sauf pour le dénoncer : une exigence réactionnaire à démanteler. Et cette dénonciation est une des conditions indispensables à la reprise d’une activité révolutionnaire générale. Il est écrit dans des documents de notre tendance, et on le voit ratifié par tout ce qui se passe dans les deux Blocs et même dans les pays arriérés, que le capitalisme n’est plus en mesure de se servir de la science de manière pleinement scientifique. A l’opposé, il contre les intérêts immédiats des individus, dont l’ensemble représente les intérêts collectifs et historiques de l’humanité ; il utilise la science contre la science elle-même.
L’esquive politique de la transparence mérite de notre part beaucoup plus d’attention que la charlatanerie technologisante de Gorbatchev ou de tout autre. De même que Khrouchtchev autrefois, et d’autres dans la pénombre, le nouveau Secrétaire Général se rend compte, sans le dire pour autant, qu’un des plus importants obstacles au fonctionnement normal de l’économie russe, toutes choses égales par ailleurs, se trouve dans la résistance passive. Elle est universellement opposée aux conditions de vie, de travail, de ravitaillement, ainsi qu’au mensonge informatif quotidien dont toute la population est victime, la classe ouvrière en particulier.
C’est le mépris, jusqu’à la nausée, auquel est vouée la caste dictatoriale. Aussi longtemps que cet empêchement durera, ni la robotique, ni l’informatique, ni une quelconque découverte scientifique n’arrangeront les affaires internes des gouvernants. Pas d’avantage hors des frontières où rien n’inversera la débandade des partis pro-russes.
La transparence ou netteté (glasnot) tant vantée vise à surmonter ces difficultés. Gorbatchev personnellement laissa tomber dans un de ses discours sur la réorganisation : « Ce sera une seconde révolution de 1917 ». L’appât ainsi jeté révèle (il faut s’en féliciter) que la braise de 1917 réchauffe encore le cœur des prolétaires, au contraire de ce que couvent tant de mentalités d’intellectuels grandis dans le sérail de la caste bureaucratique. Eveiller un espoir dans le sens d’Octobre rouge donnerait au pouvoir un crédit nouveau, provisoirement au moins, mais monnayable en plus-value. Les « réhabilitations » et les retouches à l’histoire vont dans le même sens, encore que fausses-elles aussi, en plus de ce que l’on taxe de liberté. Le tout porte indéfectiblement le sceau du système : KGB .
Il est certain que la masse des exploités restera dans l’expectative, sans mordre à l’appât qu’on lui met sous le nez. Mieux, il existe la possibilité et donc la nécessité pour les opprimés, de transformer l’hostilité passive en lutte active, jusqu’à se ruer insurrectionnellement à l’assaut du Parti-État, dans son repaire même. Pour conjurer cette possibilité précisément, Gorbatchev brandit comme un leurre le souvenir de 1917. Il sait pertinemment qu’une récurrence révolutionnaire du prolétariat ferait table rase du régime politique et du système économique. Devant une telle nécessité, ceux qui mendient la démocratie et les réhabilitations prêtent leur concours aux manœuvres du KGB contre la révolution. A ce sujet, les organisations qui se réclament de Trotski et qui demandent à ses assassins de le réhabiliter méritent une mention spéciale d’infamie. Elles salissent sa mémoire et lavent le visage de la contre-révolution.
L’escroquerie idéologique a été à la base du stalinisme dès ses premiers agissements et sera toujours présente dans chacune de ses phases. Celle qui entre en jeu avec Gorbatchev représente le comble de l’escroquerie constante et générale. Pour tous les hiérarques, elle a quelque chose de désespéré, car pendant un bon demi-siècle d’absolutisme dans tous les aspects, ils n’ont pas réussi à mettre en marche normalement leur capitalisme, ni apaisé l’hostilité de leurs sujets. On ne doit faire aucune conjecture sur le déroulement de la Gorbatchade, et d’autant moins qu’elle sera orientée dans un sens ou dans un autre par des évènements et des situations internes mais aussi externes au Bloc russe. Toutefois, une chose est indubitable : pour que le dénouement se produise du côté révolutionnaire, il faut que le prolétariat donne l’assaut au pouvoir et détruise toute l’œuvre de la contre-révolution, c’est à dire du stalinisme. Dans ce sens les révolutionnaires du monde entier ont le devoir d’aider le prolétariat russe.
Malgré son bavardage plus ou moins trompeur, Gorbatchev ne peut cacher sa filiation contre-révolutionnaire. Rassurant spécialement les siens, il a dit : « le stalinisme est une invention de l’ennemi ». Il fait référence aux ennemis de la contre-révolution, les premiers qui l’ont appelée stalinienne, et par la même occasion, il offrait une garantie à la caste contre-révolutionnaire dont lui-même fait partie. Sous sa dictature ou sous celle d’un autre, tout ce qu’entreprendra le Parti-État aura pour objectif de revigorer et perfectionner les relations d’exploitation et le despotisme des gouvernants. Cependant, sans préjudice de ce qui vise à donner le change à la classe ouvrière, et de garanties à ses semblables de l’appareil, la haute bureaucratie est contrainte de se démasquer en ayant recours à l’impérialisme rival.
Elle sollicite l’appartenance au Fond Monétaire International (FMI) et à d’autres organismes du même bord : elle a proclamé « l’interdépendance des États de la communauté mondiale », quelque chose que seule permet l’identité du système économique, même si les régimes politiques sont différents. Plus récemment, le bavard Secrétaire Général a déclaré : « L’Union Soviétique fait aussi partie de l’Europe », clin d’œil évident à la Communauté capitaliste européenne. Elle tache aussi de s’introduire parmi les actionnaires constructeurs du tunnel sous la Manche (avec Bouygues du côté français). Et toutes les oreilles écoutent avec complaisance. Dans une conférence des pays occidentaux réunis au Minnesota, au moment de terminer cet article, on déclara sans qu’il y ait la moindre opposition, qu’il était souhaitable d’aider la Russie à sortir de sa condition de « nain économique ».
Pas plus que des mesures intérieures, l’aide occidentale ne pourra sortir la Russie du marasme social et de la dégradation où la caste stalinienne l’a embourbé pendant d’interminables décennies. Sans mentionner d’autres raisons importantes, cette impossibilité est établie par la raison historique fondamentale : la technologie, entre les mains du capital, ne peut plus être utilisée - il faut l’avoir à l’esprit en permanence - que contre l’homme. C’est une réalité mondiale chaque fois plus accablante. C’est ainsi que se manifeste la crise de la civilisation capitaliste, dans laquelle s’est introduite la contre-révolution bureaucratique, sous couvert de « socialisme » en un seul pays.
Il se produit donc une double corroboration, puisque à cet effet négatif s’ajoute, exaspérant, le régime politique comme garant de l’énorme contrefaçon historique. Nous ne pouvons que mettre au pilori la Gorbatchade, en la dénonçant sous tous ses aspects avec le maximum d’énergie. L’aider, ou lui accorder un tant soit peu de crédit, c’est trahir la future révolution russe et mondiale. Il ne peut pas y avoir une autre transparence.
Il faut parler pour les exploités. Quoique notre voix n’atteigne certes pas la Russie actuellement, cela vaut également pour la Chine, les États Unis, l’Europe occidentale, l’Asie, l’Amérique Latine, du Mexique et de Cuba jusqu’au Chili et l’Argentine. Partout il faut clamer : nous ne trouverons aucune solution sans changer de haut en bas la distribution du produit social du travail dénoncée au commencement de cet article. Les 4500 millions de personnes (85% de la population) actuellement rationnées avec seulement 20% du produit de leur travail, doivent s’emparer de la totalité et supprimer toute dépense, toute activité ne répondant pas à leur propre consommation, y compris culturelle, sanitaire, etc. A cette fin, il est indispensable de ravir le pouvoir aux 15% de capitalistes individuels ou collectifs qui accaparent les 80% de la richesse. La classe ouvrière deviendra ainsi le facteur subjectif de l’économie, représentant la société tout entière. Une nouvelle civilisation sera inaugurée, mondiale, sans classe, sans État, sans oppression. Cela commencera là où l’occasion s’en présentera, et elle peut, elle doit se présenter en Russie.
La résistance passive abandonne le chemin, libre, à ce qui existe, et en Russie le KGB guettera toujours dans chaque usine, dans chaque quartier, derrière chaque coin de rue. Contre lui il faut s’organiser en tant que classe exploitée, et comme parti politique révolutionnaire au sein de la classe.
Septembre-octobre 1987.
G. Munis.
(1) Analyse complète du passage
de la révolution à la contre-révolution dans Parti-État,
stalinisme, révolution, Éditions Spartacus, Paris 1975.
Téléchargeable sur ce site à la page :
Publications du FOR.
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(2) Ces pourcentages peuvent ne pas
être exactes, mais ils donnent une idée claire, quoique mitigée,
du fonctionnement économique du système capital-salariat.
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