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LA GORBATCHADE

EN TECHNOLOGIE  ET TRANSPARENCE

  «Des visages humains sont certainement prêts, d’ores et déjà, pour une vaste manœuvre de diversion de ce  genre (à la Khrouchtchev) car la rébellion pourrait éclater à tout instant».
Parti-État, Stalinisme, Révolution (1974) - Page 100.

Ce n’est pas la première fois que des hauts gouvernants du pays faussement appelé Union Soviétique parlent de nouvelles implantations technologiques. Mais à présent son arriération dans ce  domaine est plus visible, et devenue dangereuse à plus d’un titre. L’intention d’y remédier, plus vantée qu’autrefois, est une des bribes mises en scènes par Gorbatchev sous la devise générale : transparence. Elle s’avèrera inapplicable car, à rebours de ce que le mot signifie, ils s’en servent pour cacher la réalité, qui est très grave.

En effet tout d’abord il y a opacité, et même ténèbres, dans cet énorme fait : qu’à l’heure qu’il est, il soit nécessaire là bas , comme dans un pays arriéré quelconque, de parler de modernisation de l’outillage. On comprend à la première réflexion que si l’économie russe était socialiste, sa technologie serait la meilleure du monde parce que le principal et plus fécond facteur technique du socialisme, c’est une relation entre le travailleur et l’outillage, entre les producteurs et les produits, entre la société entière et la technologie, qui facilitent et requièrent au maximum ses innombrables applications pratiques, en plus du savoir scientifique qui les détermine et les guide. Quiconque est en droit de se demander : comment diable se fait il que 70 après le grand Octobre 1917, presque toute la population vive dans la pénurie, quand ce n’est pas dans la pauvreté, passablement plus mal et avec moins de liberté que dans les pays occidentaux officiellement capitalistes ? La raison plus générale d’un tel fiasco est que l’économie russe garde, renforcée, la relation entre force de travail et instruments de production caractéristique de l’exploitation, et que par conséquent il s’agit de vulgaire capitalisme, à l’opposé de ses dires.

Mais ce n’est là que le fond structurel de l’explication, qui ne rend pas entièrement compte de la réalité quotidienne en Russie. Un autre facteur immédiat, politique et donc très important, a directement fait que la technique n’a pas produit dans son territoire des effets similaires à ceux d’autres secteurs capitalistes. C’est que le capitalisme étatique a été imposé coercitivement en Russie, à l’opposé du cours communiste inscrit dans et déterminé par la révolution de 1917. Il ne s’agit pas d’un capitalisme qui aurait poursuivi sa croissance comme tout autre, c’est à dire sans solution de continuité. Il y a eu une rupture tranchante, et si radicale que sa seule signification - d’ailleurs voulue - était d’entamer la structuration sociale communiste. Annihilant cette impulsion par le fer et dans le sang, la contre-révolution a imposé une distorsion énorme et destructrice dans tous les aspects ;  elle a entravé et perverti  même les relations sociales de l’exploitation et de la culture de son propre capitalisme d’État, diamétralement opposé à la marche vers le communisme. Si durant tant de décennies, l’économie russe a été incapable d’égaler technologiquement ses équivalents  occidentaux, la principale cause réside dans l’extermination des révolutionnaires de 1917 et de millions et de millions d’hommes incompatibles avec sa réactionnaire marche en arrière. C’est à cause encore,  et cela n’est en rien secondaire, de la diffamation de ses  victimes et de l’immonde falsification consistant à se présenter comme socialiste, le contraire de ce qu’elle est (note1). Dès lors, le mérite principal et le mieux rétribué a été la servilité envers le pouvoir. Une contrefaçon sociale aussi monstrueuse devait causer des effets dévastateurs, non seulement dans l’économie russe, mais bien au-delà. On les ressent encore dans le monde entier.

Le funambulisme technologico-administratif nous offre la preuve éclatante de ce qui vient d’être dit de la restructuration, ainsi  que la «transparence» et autres bourdes de la gorbatchade. Le capitalisme est toujours,  par son organisation et sa circulation sociale même, un obstacle à la meilleure rénovation technique possible à tout instant. Se mettant sous sa sauvegarde, la contre-révolution a ajouté à cet obstacle congénital au  système, ceux  créés par sa propre activité destructrice, qui lui sont caractéristiques et attachés à vie. Voilà pourquoi son capitalisme a montré une si faible efficacité technique relativement à d’autres. De même cela explique que de temps en temps ses hiérarques déclenchent des campagnes pour en augmenter l’efficacité. Toutefois, rien, absolument rien ne leur permettra de dépasser la mesquinerie et la bestialité de leur contre-révolution.

Ce  n’est  point  une digression que  de  rappeler  que  les leaders  chinois - au pur pedigree moscovite - déclaraient il  y  a quelques années, à des visiteurs étrangers qui les questionnaient : « nous  nous équiperons d’armes atomiques même si les gens  doivent aller  pieds  nus ».  Nous  avons  là,  quoique  incomplète,  une définition  de  la perversité des applications  technologiques  du monde  actuel,  même si le degré de nudité des masses  prolétaires change  d’un  pays à l’autre.  La vérité tout entière quant  à  la technologie  est encore pire.  Pour le voir et l’interpréter  dans toute  son ampleur,  il faut délaisser l’énumération détaillée  de ses  applications concrètes,  et  focaliser  ses  impulsions déterminantes. De là proviennent toutes les conséquences sociales, y  compris les antagonismes concurrentiels  et  militaires.  Ainsi donc  il  faut le voir panoramiquement,  en tant que  fonction  de production et de reproduction du type de civilisation  existant. On ne peut trouver d’autre clef interprétative.  De plus les chiffres exacts  à  ce  sujet  sont  inaccessibles,  autant   pour  nous, révolutionnaires en mal de finances,  que pour les grands  centres statistiques du capital.  Cependant on peut calibrer le  mouvement économique  de la société actuelle et de chacune de ses  parties, ainsi  que les conditions  et les dérivations de toute  innovation technologique.

Imaginons  que l’on isole un cycle quelconque  de  production mondiale.  Tout d’abord, il faut signaler que sa valeur d’ensemble, y  inclue  la  richesse  immeuble  (accumulation  antérieure)  en quantité  si  vaste qu’elle reste  imprécise,  est  propriété  des couches privilégiées de la société. La proportion de ces dernières est avec certitude inférieure à 15%  de la population totale de la planète,  quelques  500 millions de personnes en  gros.  Peu  nous importe    que cette propriété  soit  individuelle,  de  grandes compagnies ou de l’État. Une fois accompli le cycle de production, la valeur mercantile,  c’est à dire la valeur en argent de tout ce qui a été produit,  revient à ces 15% de possédants,  quelque soit la répartition entre eux.

De la somme totale il faut défalquer le montant des  salaires versés à la population effectuant la production générale,  montant qui est contenu dans la valeur marchande des produits résultant du travail.  En tenant compte du rendement moderne,  et en  déduisant l’amortissement de l’outillage, lui aussi contenu dans le produit, ceci  ne  représente pas plus de 20% du  chiffre  global.  L’autre partie,  soit  80%,  représente les valeurs nouvellement crées  et devient propriété exclusive de la couche sociale  dirigeante,  qui dispose d’elle selon son bon vouloir. Avant de poursuivre, il faut préciser :  les 85% de la population qui ont effectué  directement ou indirectement l’effort productif,  reçoivent environ 20% de ce qu’ils ont créé.  En revanche,  les 15% de hiérarques en récoltent 80%,  c’est à dire sa valeur mercantile, sans jamais perdre  de  vue la continuité de leur  empire  économico-politique dans  chaque pays et sur la Terre.  Ceci n’empêche  pas,  mais  au contraire  engendre  la division en zones  nationales  rivales  ou complices. Une richesse si colossale, si immense, se volatilise, sans autre  fonction  que  le maintien des chaînes du  capital  sur  la société,  dans chaque pays et mondialement. Et peu importe ici que la prépondérance aille à un secteur ou à un autre.

Une  partie  considérable des 80% est dilapidée  en  dépenses somptuaires  ou thésaurisée par les 15% de privilégiés,  des  plus modestes  aux plus grands potentats.  En second lieu  viennent  les frais  de police et surtout militaires,  industrie  d’armement  et achats  d’armes  compris,  en  quantités  constamment  croissantes. Ensuite  les dépenses d’administration, de domination politique  et de  surveillance,  des innombrables secteurs  particuliers  du procès  général  de la production (ce qui gonfle  le  secteur  dit tertiaire).  Après,  les  dépenses  scolaires,  toutes  catégories confondues,  et  de  santé,  dont  une  partie  indiscernable, représentant  des travaux corrélatifs à la production  nécessaire, se  retrouve  dans les 20% qui reproduisent la  force  de  travail utilisée dans le cycle entier.

Enfin,  et tout en passant outre des secteurs moins visibles, le « reliquat »,  d’importance variable selon les cycles,  constitue l’accumulation élargie du capital ou richesse matérielle  nouvelle après  chaque cycle.  C’est elle qui alimente les  investissements nouveaux, et avec eux et pour eux, les recherches scientifiques et les applications techniques qui en découlent.

Il  convient  d’affiner l’analyse.  De  toutes  les  portions dégagées  des 80% du produit,  celle absorbée par la  consommation somptuaire  ou  individuellement  thésaurisée  par  tous  les privilégiés,  tout en étant très copieuse,  reste bien en deçà  de toutes  les  autres,   et en particulier de celle dévorée  par  la chose militaire.  Elle est par contre,  la partie déterminante  et décisive dans tous les domaines, y compris dans l’enseignement, la santé  et les sciences.  Le système fonctionne par et  pour  cette partie,  d’un bout à l’autre. Ceux qui jouissent de cette partie là constituent  l’élément subjectif du mécanisme économique  mondial. Ce  sont eux qui imposent l’ordre et la patrie dans la chasse gardée nationale ;  ils  sont  l’agglomérat  anthropomorphique  de  la civilisation capitaliste.

Rien, absolument rien d’officiel ne se fait sans correspondre à la convenance actuelle et à l’affirmation future de  son  système ; bref,  à sa convenance en tant que couche sociale exploiteuse. Dit de  façon  plus  restrictive  et  directe,  toute  application technologique,  de  la plus simple à la plus  perfectionnée,  doit servir  à agrandir la part des privilégiés et à réduire celle  des travailleurs :   encore plus de 80% pour les premiers, et moins de 20%  pour  les  seconds. Rapportée à  la  population  humaine,  la modernisation technologique donne à 750 millions de privilégiés la majeur partie de la production, et la petite partie des 20% va aux 4250 millions habitants de la Terre (note2).

Cette divergence ira en s’agrandissant au fur et à mesure des perfectionnements  techniques.  S’il n’en était pas  ainsi,  aucun capitalisme  n’appliquerait  la moindre  innovation,  cela  va  de soi.  A tel point que même celles qui existent fonctionnent à tout moment avec une limitation préméditée.

Une  autre  conséquence,  complètement négative, de la technologie au service du capitalisme, en  est  le chômage  ouvrier.  Il  ajoute au paupérisme relatif de  ceux  qui travaillent,  la paupérisation absolue des sans-travails à toute la classe,  sans  parler ici de l’enrégimentement  semi-militaire  de toutes les activités,  selon le modèle du Japon.  C’est ce pays du lointain  Orient,  déversant un déluge  de  marchandises  bon marché  malgré les distances, et de bonne qualité, qui a déclenché  la course  à la compétitivité où sont embarqués les  occidentaux,  et que maintenant Gorbatchev veut singer en Russie.

Mais ni Gorbatchev ni personne de son bord ne pourra échapper aux   impératifs  du système mondial dans lequel la  Russie  s’est incrustée. Les oligarques du parti dictateur ont toujours prétendu que  le chômage était exclu sur leurs domaines.  Franco  en  prétendait autant pour l’Espagne,  parce qu’il le dissimulait aussi, mais  par « charité chrétienne ».  Les dictateurs russes le font,  poussés par leur fausseté invétérée.  Mais ils sont arrivés à un tel stade  de dégradation  mentale,  qu’ils ne se rendent même plus  compte  que leur propre expression leur inflige un cinglant démenti. En effet, pour  qu’il  n’y  ait pas,  pour qu’il ne puisse pas  y  avoir  de chômage,  l’unique  mais  inévitable condition est que  la  classe ouvrière elle-même ait disparu.  

Rare,  diffus,  plus  ou  moins bien caché,  le  chômage  est indissociable de la fonction précise du travail exploité.  Jusqu’à présent,  la Russie occultait son chômage par le retour au village d’origine,  au moyen de nombreux camps de travaux forcés,  par  la déportation,  par  le  vagabondage,  que  la  corruption généralisée encourage,  par des occupations plus mal payées  qu’un chômeur  dans d’autres pays,  ainsi que par la  productivité  très basse due à son arriération technologique.  A cela il faut  encore additionner  7  à  9 millions de militaires mobilisés  en  permanence. Surajouté  aux effets dévastateurs de  la  contre-révolution,  on obtient  un tableau clair de la faiblesse matérielle de la  Russie comme  puissance  impérialiste,  de sa fragilité partout    elle domine,  de  même  qu’à  l’intérieur  de  ses  frontières,    la population méprise et déteste tout ce qui vient du pouvoir ou  est en rapport avec lui.  C’est également ce qui rend à peu près nulle sa compétitivité internationale.

Pour simplement tenter de corriger ces maux et défauts,  la gorbatchade doit  se mettre à l’école  de  ses  semblables  occidentaux  et japonais.  Désormais,  cela ne lui vaut rien de cacher le chômage, ou de le minimiser par ses statistiques.  Plus de 15 000  ouvriers ont  été  licenciés dans les chemins de fer  de  Biélorussie.  « On parle »  (impersonnel,  parce que l’opacité  baptisée  transparence laisse  passer  peu de lumière) de centaines de milliers  dans  la zone  industrielle du Nord et des millions suivront,  en  plus  des sans-travails  cachés  antérieurement.  Plus  la  réorganisation technique sera effective,  plus elle entraînera de  licenciements, outre ses divers effets négatifs. 

Dans  le  cadre du système existant,  c’est un  résultat  non seulement inévitable,  mais  nécessaire  à sa prospérité dans chaque pays  et  internationalement. Aux  États Unis,  la  reprise  de  la croissance  est loin d’avoir absorbé tout le chômage.  De même en Allemagne.  Au Royaume Uni,  économie et chômage croissent en même temps. En France, des hommes du gouvernement fixent à 2,5 millions « incompressibles »  le  nombre de chômeurs,  une fois  atteinte  la croissance maximale attendue.

La  concurrence  mercantile,  la  compétitivité  tant  voulue compte  pour beaucoup dans les projets de Gorbatchev et  Cie,  car c’est en dernière instance le soubassement matériel qui oppose  le bloc  militaire  commandé par la Russie à celui commandé  par  les États Unis.  Or sa démarche préliminaire consiste à faire  marquer le pas à son économie,  si maladive,  le pas exigé aujourd’hui par un  capitalisme  moyen quelconque.  Les hiérarques  du  Parti État n’ignorent pas leur dangereuse infériorité dans ce  domaine.  Elle affaiblit aussi leur capacité militaire,  malgré les soins et  les dépenses spéciales accordées à cet aspect de la production.  Cette double  considération  inspire  les  manœuvres  sur  l’armement atomique. 

Il  s’agit  donc  d’une  détermination  de  la  concurrence marchande,  et  par  conséquent,  militaire,  envisagée  à  longue échéance,  sauf  incidences  imprévisibles.  Toutefois,  l’aspect concurrentiel du capitalisme dans l’actuelle conjoncture, à partir de laquelle le perfectionnement technique, même important, loin de porter un développement social,  lui fait obstacle et le  corrode, ne  nous intéresse pas,  nous les révolutionnaires,  sauf pour  le dénoncer  :  une exigence  réactionnaire à  démanteler.  Et  cette dénonciation  est une des conditions  indispensables  à  la  reprise d’une  activité révolutionnaire générale.  Il est écrit  dans  des documents de notre tendance, et on le voit ratifié par tout ce qui se passe dans les deux Blocs et même dans les pays  arriérés,  que le capitalisme n’est plus en mesure de se servir de la science  de manière pleinement scientifique. A l’opposé, il contre les intérêts immédiats des individus,  dont l’ensemble représente les  intérêts collectifs  et historiques de l’humanité ;  il utilise la  science contre la science elle-même.

L’esquive  politique de la  transparence  mérite de notre  part beaucoup plus d’attention que la charlatanerie technologisante  de Gorbatchev ou de tout autre.  De même que Khrouchtchev autrefois, et d’autres dans la pénombre,  le nouveau Secrétaire Général se  rend compte,  sans  le  dire pour autant,  qu’un  des  plus  importants obstacles  au fonctionnement normal de  l’économie  russe,  toutes choses égales par ailleurs, se trouve dans la résistance passive. Elle  est  universellement  opposée  aux  conditions  de  vie,  de travail,  de  ravitaillement,  ainsi  qu’au  mensonge  informatif quotidien dont toute la population est victime, la classe ouvrière en particulier.

C’est le mépris, jusqu’à la nausée, auquel est vouée la caste dictatoriale. Aussi longtemps que cet empêchement durera,  ni  la robotique,  ni  l’informatique,  ni  une  quelconque  découverte scientifique n’arrangeront les affaires internes des  gouvernants. Pas  d’avantage  hors  des  frontières    rien  n’inversera  la débandade des partis pro-russes.

La  transparence  ou  netteté (glasnot) tant  vantée  vise  à surmonter  ces  difficultés.  Gorbatchev  personnellement  laissa tomber  dans un de ses discours sur la réorganisation :  « Ce  sera une  seconde révolution de 1917 ».  L’appât ainsi jeté  révèle  (il faut  s’en  féliciter) que la braise de 1917 réchauffe  encore  le cœur  des  prolétaires,  au contraire de ce que couvent  tant  de mentalités  d’intellectuels  grandis dans le sérail  de  la  caste bureaucratique.  Eveiller  un espoir dans le sens d’Octobre  rouge donnerait au pouvoir un crédit nouveau,  provisoirement au  moins, mais  monnayable  en  plus-value.  Les  « réhabilitations » et  les retouches à l’histoire vont dans le même sens,  encore que fausses-elles aussi, en plus de ce que l’on taxe de liberté. Le tout porte indéfectiblement le sceau du système : KGB .

Il  est  certain  que la masse  des  exploités  restera  dans l’expectative,  sans  mordre à l’appât qu’on lui met sous le  nez. Mieux,  il  existe  la possibilité et donc  la nécessité   pour  les opprimés,  de  transformer  l’hostilité passive en  lutte  active, jusqu’à  se ruer insurrectionnellement à l’assaut  du  Parti-État, dans  son  repaire  même.  Pour  conjurer  cette  possibilité précisément,  Gorbatchev  brandit comme un leurre le  souvenir  de 1917.  Il  sait pertinemment qu’une récurrence révolutionnaire  du prolétariat  ferait table rase du régime politique et  du  système économique.  Devant  une  telle nécessité,  ceux qui  mendient  la démocratie  et  les  réhabilitations  prêtent  leur  concours  aux manœuvres  du  KGB  contre  la  révolution.  A  ce  sujet,  les organisations  qui se réclament de Trotski et qui demandent à  ses assassins  de le réhabiliter méritent une mention  spéciale d’infamie.  Elles salissent sa mémoire et lavent le visage de la contre-révolution.

L’escroquerie  idéologique a été à la base du stalinisme  dès ses premiers agissements et sera toujours présente dans chacune de ses phases.  Celle qui entre en jeu avec Gorbatchev représente  le comble  de  l’escroquerie constante et  générale.  Pour  tous  les hiérarques,  elle a quelque chose de désespéré, car pendant un bon demi-siècle  d’absolutisme  dans tous les aspects,  ils n’ont  pas réussi à mettre en marche normalement leur capitalisme,  ni apaisé l’hostilité  de leurs sujets.  On ne doit faire aucune  conjecture sur  le déroulement de la Gorbatchade,  et d’autant moins  qu’elle sera  orientée dans un sens ou dans un autre par des évènements et des situations internes  mais aussi  externes  au  Bloc  russe.  Toutefois,  une  chose  est indubitable :  pour  que  le  dénouement  se  produise  du  côté révolutionnaire,  il  faut  que le prolétariat donne  l’assaut  au pouvoir et détruise toute l’œuvre de la contre-révolution, c’est à dire du stalinisme.  Dans ce sens les révolutionnaires du  monde entier ont le devoir d’aider le prolétariat russe.

Malgré  son bavardage plus ou moins trompeur,  Gorbatchev  ne peut  cacher  sa  filiation  contre-révolutionnaire.  Rassurant spécialement les siens, il a dit : « le stalinisme est une invention de  l’ennemi ».  Il  fait  référence  aux  ennemis  de  la  contre-révolution,  les premiers qui l’ont appelée stalinienne, et par la même  occasion,  il  offrait  une  garantie  à  la  caste  contre-révolutionnaire  dont lui-même fait partie.  Sous sa dictature  ou sous celle d’un autre,  tout ce qu’entreprendra le Parti-État aura pour  objectif  de  revigorer  et  perfectionner  les  relations d’exploitation et le despotisme des gouvernants.  Cependant,  sans préjudice de ce qui vise à donner le change à la classe  ouvrière, et  de  garanties  à  ses  semblables  de  l’appareil,  la  haute bureaucratie  est  contrainte de se démasquer en ayant  recours  à l’impérialisme rival.

Elle sollicite l’appartenance au Fond Monétaire International (FMI)  et  à d’autres organismes du même bord :  elle  a  proclamé « l’interdépendance des États de la communauté  mondiale »,  quelque chose que seule permet l’identité du système économique,  même  si les régimes politiques sont différents.  Plus récemment, le bavard Secrétaire  Général  a déclaré :  « L’Union  Soviétique  fait  aussi partie  de  l’Europe »,  clin  d’œil  évident  à  la  Communauté capitaliste européenne. Elle tache aussi de s’introduire parmi les actionnaires constructeurs du tunnel sous la Manche (avec  Bouygues du  côté  français).  Et  toutes  les  oreilles  écoutent  avec complaisance.  Dans une conférence des pays occidentaux réunis  au Minnesota, au moment de terminer cet article, on déclara sans qu’il y  ait la moindre opposition,  qu’il était souhaitable d’aider  la Russie à sortir de sa condition de « nain économique ».

Pas plus que des mesures intérieures,  l’aide occidentale  ne pourra sortir la Russie du marasme social et de la dégradation  où la  caste  stalinienne  l’a  embourbé  pendant  d’interminables décennies. Sans mentionner d’autres raisons importantes, cette impossibilité est établie par la raison historique fondamentale :  la  technologie, entre  les mains du capital,  ne peut plus être utilisée - il  faut l’avoir  à l’esprit en permanence - que contre l’homme.  C’est  une réalité mondiale chaque fois plus accablante.  C’est ainsi que  se manifeste  la  crise de la civilisation  capitaliste,  dans  laquelle s’est introduite la contre-révolution bureaucratique, sous couvert de « socialisme » en un seul pays.

Il  se produit donc une double  corroboration,  puisque à  cet  effet  négatif s’ajoute,  exaspérant,  le régime  politique  comme garant  de l’énorme contrefaçon historique.  Nous ne  pouvons  que mettre  au pilori la Gorbatchade,  en la dénonçant sous  tous  ses aspects  avec le maximum d’énergie.  L’aider,  ou lui accorder  un tant soit peu de crédit,  c’est trahir la future révolution  russe et mondiale. Il ne peut pas y avoir une autre  transparence.

Il  faut  parler  pour  les  exploités.  Quoique  notre  voix n’atteigne certes pas la Russie actuellement,  cela vaut également pour  la  Chine,  les  États Unis, l’Europe  occidentale,  l’Asie, l’Amérique  Latine,  du  Mexique  et de  Cuba  jusqu’au  Chili  et l’Argentine.  Partout il faut clamer :  nous ne trouverons  aucune solution  sans changer de haut en bas la distribution  du  produit social  du travail dénoncée au commencement de  cet  article.  Les 4500  millions  de personnes (85% de la  population)  actuellement rationnées avec seulement 20% du produit de leur travail,  doivent s’emparer  de  la  totalité   et  supprimer  toute  dépense,  toute activité ne répondant pas à leur propre consommation,   y  compris culturelle,  sanitaire,  etc. A cette fin, il est indispensable de ravir le pouvoir aux 15% de capitalistes individuels ou collectifs qui  accaparent  les  80%  de  la  richesse.  La  classe  ouvrière deviendra   ainsi  le  facteur  subjectif   de   l’économie, représentant  la société tout entière.  Une nouvelle  civilisation sera inaugurée, mondiale, sans classe, sans État, sans oppression. Cela  commencera là où l’occasion s’en présentera,  et elle  peut, elle doit se présenter en Russie.

La résistance passive abandonne le chemin,  libre,  à ce  qui existe, et en Russie le KGB guettera toujours dans chaque usine, dans chaque quartier,  derrière chaque coin de rue.  Contre lui il faut  s’organiser  en tant que classe exploitée,  et  comme  parti politique révolutionnaire au sein de la classe.

Septembre-octobre 1987.

G. Munis.


(1) Analyse complète du passage de la révolution à la contre-révolution dans Parti-État, stalinisme, révolution, Éditions Spartacus, Paris 1975.
Téléchargeable sur ce site à la page : Publications du FOR.
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(2) Ces pourcentages peuvent ne pas être exactes, mais ils donnent une idée claire, quoique mitigée, du fonctionnement économique du système capital-salariat.
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