MAI 68, UN ANNIVERSAIRE?

À l’occasion de l’évocation des évènements de mai-juin 1968 en France, nous reproduisons ici deux tracts distribués par notre organisation à l'époque. Le mouvement de contestation, mené par les étudiants, s’est caractérisé par sa force numérique (la grève de masses), sa détermination (la violence des affrontements), sa méfiance des appareils (le refus des revendications syndicales). Cependant ses faiblesses devant les mêmes appareils, syndicaux et staliniens, l’enfermement dans les entreprises et les universités, la force de l’ouvriérisme sous toutes ses formes, en ont fait la proie de l’État et de son pilier syndical. Mieux qu’une longue analyse de "commémoration", ces textes expriment la participation et la critique de notre tendance à cette lutte.


TOUT EST POSSIBLE A LA FORCE DE
LA CLASSE OUVRIÈRE EN ACTION

Le mouvement de grèves et d’occupations d’usines consécutif à la nuit du 10 au 11 mai doit accomplir les objectifs historiques du prolétariat, devenus immédiats, ou bien il aboutira à un compromis avec le pouvoir capitaliste, au terme duquel le prolétariat se trouvera, une fois encore, esclave du capital.

Rappelez-vous juin 36 : « Il faut savoir terminer une grève » (Thorez), et pour que les ouvriers acceptent d’abandonner les usines, la concession des 40 heures de travail, qui a abouti à l’exploitation sans frein par le salaire de base, le travail à la pièce, les primes, les chronométrages, les heures supplémentaires.

L’occupation actuelle doit continuer et s’étendre à tout le système économique, banques comprises. Mais l’occupation doit prendre la forme de la « restitution des instruments de production à la société » (Marx). Or, une telle restitution ne peut se faire que par voie de la classe ouvrière elle-même. Il ne peut s’agir de rendre au capital les usines et les facultés moyennant certaines concessions, si importantes soient-elles, mais de les garder en qualité de PROPRIÉTÉ COMMUNISTE, et les METTRE en MARCHE, tout comme le mécanisme social - production, consommation, enseignement, etc. - au service de l’homme, sans exploitation. CEUX QUI PRÉPARENT UNE COMPROMISSION AVEC LE CAPITAL TRAHISSENT LA CLASSE OUVRIÈRE.

Le gouvernement pourrait faire deux concessions apparemment importantes : nationalisation des grandes industries et cogestion des entreprises. C’est à dire qu’il pourrait aller jusqu’à admettre la supervision, par quelques ouvriers, de l’exploitation de tout le prolétariat. Et tant mieux si les superviseurs sont désignés « démocratiquement » tel les députés parlementaires.

NON A LA COGESTION DES ENTREPRISES ! Ce qu’il faut imposer, c’est LA GESTION EXCLUSIVE PAR LES TRAVAILLEURS DE TOUTE L’ÉCONOMIE, ET LEUR POUVOIR POLITIQUE.

NON AUX NATIONALISATIONS QUE LE POUVOIR SE DISPOSERAIT À ENTREPRENDRE EN PARLANT DE SOCIALISME ! Outre que cela instaurerait un capitalisme d’État, le sort des travailleurs ne s’en trouverait pas amélioré (voir Renault, etc.).

La classe ouvrière, unie autour d’idées révolutionnaires, non derrière des capitulards, est assez forte pour s’imposer et presque sans violence. En adoptant ces positions révolutionnaires les ouvriers et les étudiants de France rendraient vaines aujourd’hui et dissoudraient les institutions répressives de l’État capitaliste. Afin d’empêcher ce développement socialiste, les syndicats parlent, tout comme leurs partis, d’empêcher toute ingérence extérieure à la classe ouvrière (il s’agirait des manifestations de solidarité des étudiants) et de rien faire qui ne soit décidé par les assemblées syndicales.

La démocratie révolutionnaire prend son point de départ dans la souveraineté absolue de la classe ouvrière, qui est située au-dessus de tous les partis, de tous les syndicats, quels qu’ils soient. A plus forte raison au-dessus des partis et des syndicats qui osent dire à cette classe ouvrière : gardez les usines jusqu’à la signature de nouvelles modalités d’exploitation (nouveaux contrats collectifs).

Ce sont ces mêmes hommes qui mettent en garde la classe ouvrière contre des ingérences extérieures. D’où viennent en réalité ces ingérences? La loi interdit l’élection de délégués non désignés par les syndicats, privilège énorme consenti par l’État capitaliste à ses éléments détachés à l’intérieur de la classe ouvrière. Et voilà pourquoi la résolution de la CGT (L’Humanité du 18 mai) demande l’extension des libertés syndicales, aujourd’hui opposées aux libertés ouvrières.

TRAVAILLEURS, DÉSIGNEZ VOUS-MÊMES VOS DÉLÉGUÉS, VOS COMITÉS D’USINES (SOVIETS) INDÉPENDAMMENT DE TOUTE APPARTENANCE SYNDICALE OU POLITIQUE. ACCUEILLEZ LES REPRÉSENTANTS D’AUTRES COMMUNAUTÉS OUVRIÈRES, ESTUDIANTINES, DE TRAVAILLEURS EN GÉNÉRAL.

Ceux qui craignent la contradiction en ce moment, ce sont ceux qui veulent garder les privilèges que la loi leur a donnés.

La CGT prétend, ELLE, être la classe ouvrière, tout comme de Gaulle prétend être, LUI, la France. Or c’est une réalité que l’État gaulliste s’appuie sur la CGT et sur d’autres centrales syndicales, et qu’il leur baille des subventions, ce qui en fait des organismes du système d’exploitation et, par conséquent, des forces extérieures au prolétariat et donc des forces ennemies.

DE LA LIBRE DISCUSSION AU SEIN DES ORGANISMES ÉLUS PAR L’ENSEMBLE DE LA CLASSE OUVRIÈRE DÉPEND L’AVENIR DU MOUVEMENT ACTUEL. EN AVANT POUR UNE SOCIÉTÉ COMMUNISTE, SANS CAPITAL NI SALARIAT !

19 MAI 1968


EN GARDE CONTRE LES APPAREILS

Les usines, les facultés occupées par les ouvriers et les étudiants ne pourront, en aucun cas, être récupérées directement par le patronat et l'État.

La récupération ne pourra avoir lieu que par l’intermédiaire des appareils politiques et syndicaux, auxiliaires du capitalisme, principalement les plus forts d’entre eux. Ils sont en train de la négocier. Ils conspirent contre la classe ouvrière, contre le mouvement révolutionnaire et sa nouvelle impulsion.

Travailleurs, étudiants, lorsqu’on vous dit que l’occupation des usines ne cessera qu’après satisfaction des revendications présentées (par les syndicats, pas par les ouvriers eux-mêmes) on VOUS TEND UN PIÈGE, car CES REVENDICATIONS SERVIRONT À REMETTRE EN MARCHE L’EXPLOITATION ET L’ENSEIGNEMENT CAPITALISTES.

On prétend étrangler le mouvement ouvrier-étudiant de l’intérieur. Réagissez vigoureusement, organisez-vous en comités d’usines, de faculté, etc., élus en assemblée générale avec droit de parole et de vote pour tous, syndiqués ou pas.

UNISSEZ TOUS CES COMITÉS EN UNE SEULE CONVENTION CENTRALE ; elle sera la source du pouvoir surgi de la lutte contre le système, ce sera la seule légitimité non trompeuse.

De l’usine à l’école et la banque, les comités doivent se préparer à remettre en marche tous les circuits économiques de production et de distribution sur des bases socialistes, sans déléguer leurs fonctions ni leurs pouvoirs à aucun autre organisme, et encore moins à un État quelconque, avec police et armée permanentes.

Ainsi que l’émancipation des travailleurs, le socialisme sera l’œuvre des mêmes travailleurs, PAS CELLE D’UN ÉTAT PROPRIÉTAIRE DES INSTRUMENTS DE PRODUCTION et armé de pied en cap.

La classe ouvrière, les étudiants et la majorité de la population n’ont qu’une seule revendication immédiate :

A BAS LE SYSTÈME CAPITALISTE !

A BAS L’EXPLOITATION DU TRAVAIL SALARIÉ !

VIVE L’ORGANISATION INTERNATIONALE
DE LA SOCIÉTÉ COMMUNISTE !

PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS,
SUPPRIMEZ LES ARMÉES, LES POLICES,
LA PRODUCTION DE GUERRE,
LES FRONTIÈRES, LE TRAVAIL SALARIÉ !

Paris le 23 mai 1968

Groupe 10 mai-Révolution Mondiale




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