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Pour un second manifeste communiste

 
 




Introduction


SOMMAIRE :

Avant-propos à
l'édition italienne

I. Préface

II. Décadence du capitalisme

III. Stalinisme contre socialisme

IV. Impérialisme et indépendance nationale

V. Révolution ou
guerre impérialiste

VI. Les perspectives marxistes

VII. L'organisation révolutionnaire

VIII. Les taches de
notre époque


ANNEXES :

Aujourd'hui comme hier

 


   

AVANT-PROPOS À L'ÉDITION ITALIENNE


Depuis la publication, en France, de ce manifeste, on nous a questionnés, non sans persiflage : Quel besoin y a t'il d'un second manifeste communiste? Il y en a aussi qui voient une profanation dans le titre du nôtre. Ceci ne mérite guère de réponse, sauf parce que cela nous ramène à l'objection antérieure.

Marx et Engels - il est pertinent de le rappeler - étaient d'incoercibles iconoclastes, y compris par rapport à eux-mêmes, car aucun autre moyen n'existe d'échapper au cloisonnement du système fermé. Le premier répliqua à ceux qui lui parlaient des marxistes d'Europe continentale: "Je ne suis pas marxiste". Ainsi établissait-il, tacitement, une définition a-dogmatique de la pensée révolutionnaire, très mal saisie aujourd'hui. Engels, quant à lui, exprima comment Marx et lui avaient mené à pied d'œuvre quantité de matériaux qui avaient besoin d'être élaborés. À présent il faut y joindre les matériaux charriés depuis lors par la lutte des classes mondiale. C'est donc à dessein que nous accomplissons cette profanation. Une seule chose importe : Savoir si elle s'articule ou non avec la longue file de toutes celles que la pensée révolutionnaire a commises, et qu'elle ne peut pas ne pas commettre sans s'asphyxier. Le texte de Pour un Second Manifeste Communiste, que nous invitons à comparer avec le texte classique, constitue par lui-même une réponse. Nonobstant, pour rassurer les esprits qui en auraient besoin, il convient de préciser quelques points d'importance.

Depuis le temps écoulé après la date où Marx et Engels écrivaient, le capitalisme est allé en se parachevant en tant que système mondial. Ce qu'ils avaient prévu est largement accompli. Le dénivelle- ment entre les différentes zones du globe n'a pas plus de signification que celles qui existent à l'intérieur d'un pays quelconque. Pendant ce temps, le capitalisme en Europe occidentale et aux États-Unis, en Russie et au Japon, a atteint un degré de concentration industrielle et financière qui, après avoir bousculé toutes les barrières nationales, tient le monde entier à la gorge.

Simultanément, les instruments de production, loin de mettre en oeuvre au maximum leurs capacités techniques, plus celles que permettent le savoir scientifique de l'ensemble humain, se voient toujours restreints et sont même chétifs, sauf pour ce qui se rapporte à la guerre. Mais l'obstacle à ce que sera la plus vertigineuse et révolutionnaire de leur expansion, n'est plus dans les barrières nationales, mille fois foulées économiquement et militairement, et si artificielles aujourd'hui que le capitalisme lui-même projète de les supprimer, en partie tout au moins.

Non, il s'agit d'un empêchement qu'aucune pénétration financière, qu'aucune armée, aucune vocifération "socialiste" de ceux qui comptabilisent devoirs et avoirs n'est en mesure de dépasser, car il n'est autre que les bornes mêmes de l'actuel système de production et de distribution. Sans mettre au rancart la vente et l'achat des hommes et des produits, c'est à dire le travail salarié et la production de marchandises qui renforcent la forme capitaliste des instruments de travail, il est impossible que ces derniers atteignent l'incalculable, l'illimité expansion qu'ils comportent et l'homme nécessite. De là vient que notre Manifeste parle de malthusianisme là où les voix fallacieuses d'Occident comme d'Orient disent "société d'abondance".

En convergence avec la saturation économique et néanmoins chétive du monde, la saturation militaire qu'elle nourrit - sa sentinelle aussi - proclame irréfutablement la fin de la période progressive de la civilisation capitaliste, sa négativité actuelle et sa décadence. Ce que la guerre moderne peut faire en quelques minutes, anéantir la société et ses composants, le fonctionnement capitaliste est en passe de le faire au jour le jour, avec lenteur, inexorablement. Dans tous les aspects et sans exempter aucun pays, nous sommes placés devant la nécessité urgente d'unir les exploités pour une action commune contre les armements et contre les structures économiques de leurs États respectifs.

Prendre en compte une telle situation non prévue dans le Manifeste de 1848 est non moins important que de mettre au pilori les tendances pseudo-communistes et pseudo-socialistes d'aujourd'hui. Le "socialisme bourgeois et petit-bourgeois", le "socialisme allemand", et le "socialisme féodal" critiqués par Marx et Engels, ont été des phénomènes éphémères et leur influence sur la classe ouvrière presque nulle. Il en va tout autrement avec ce qu'on appelle encore aujourd'hui communisme et socialisme. Surgis comme tendances réellement ouvrières, ils sont parvenus à déployer sur le prolétariat international, politiquement et syndicalement une emprise de plus en plus négative, au fur et à mesure que, par leurs idées et leurs intérêts, ils tournaient le dos à l'objectif révolutionnaire. Presque personne n'ignore à présent que les partis issus de la Deuxième Internationale ont jeté par-dessus bord même l'objectif réformiste, satisfaits d'accompagner d'un pas malaisé l'involution du capitalisme occidental, et servant souvent d'étrier au capitalisme oriental. Ils lui ont même donné des dirigeants Walter Ulbricht, Santiago Carrillo et quelques dizaines d'autres.

Le prétendu communisme est à présent incom- parablement plus pernicieux car sa nature est beaucoup moins connue. Il ne s'agit pas d'un collaborateur ou d'un suiveur de la démocratie capitaliste, même s'il peut comme un caméléon prendre cette coloration et d'autres encore, surtout là où il n'occupe pas tout le pouvoir ou s'il se trouve dans la clandestinité. Lui-même possède la totalité du grand capital industriel et financier, par l'entremise de l'État, de l'Europe centrale jusqu'à l'extrême-Orient. Il retient directement sous le joug du salariat et de sa dictature politique des centaines de millions de prolétaires. Lui encore, en tant qu'ensemble économique et comme bloc militaire, constitue la seconde puissance impérialiste. Par conséquent, le tout fait de lui, non un représentant de la classe ouvrière, mais de la contre-révolution, réalisée sous Staline, et que ses disciples tentent de stabiliser. Ainsi que Marx et Engels dénonçaient le "socialisme féodal", contresens évident, on pourrait, à notre époque avoir aussi recours au contresens en dénonçant le "communisme capitaliste" ou le "communisme contre-révolutionnaire" par opposition au communisme du prolétariat inscrit dans les exigences matérielles, politiques et culturelles de l'humanité.

Notre manifeste se limite, jusque là, à suivre le tracé de Marx et Engels, "mutatis mutandis". Son originalité commence au chapitre Impérialisme et indépendance nationale, qui relègue au monde des supercheries inter-impérialistes toutes les luttes, guerres, guérillas patriotiques partout où elles apparaissent actuellement Vietnam, demain Ukraine, Mandchourie, Angola ou Venezuela. Il n'y a pas d'autre marge, pour une lutte nationale, quelle qu'elle soit, que le changement de suzerain. Les lois de l'économie capitaliste rendent aujourd'hui chimérique l'indépendance nationale. Ces messieurs de l'Organisation Latino Américaine de Solidarité (réunis à La Havane, sous l'égide de Castro) sont des bourgeois aussi retardataires que stalinisant. Ils se ruent vers une participation à l'exploitation de leurs co-nationaux qu'ils ne pourront obtenir que comme pourboire des services rendus à un impérialisme quelconque. Leur propre enseigne "La Patrie ou la Mort" heurte de plein fouet la devise révolutionnaire "Les prolétaires n'ont pas de patrie". On peut en dire autant, mais en descendant une marche jusqu'au niveau racial, du "Black Power" de certains intellectuels noirs américains. Ils ont été incapables de postuler et d'organiser la lutte commune des travailleurs de toutes les races aux États-Unis aussi bien que partout ailleurs.

Des 10 mesures révolutionnaires proposées, pour les pays avancés, par le Manifeste de 1848, seules les trois dernières, élargies et adaptées aux ressources modernes, peuvent aujourd'hui servir de norme générale. Il était donc indispensable de préciser, comme il est fait dans notre texte, les mesures d'expropriation du capital et d'administration de la production et de la distribution ainsi que le mécanisme économique et politique de suppression du travail salarié et des classes. Le Manifeste de 1848 n'était pas en mesure de le faire, pas plus que la Critique du Programme de Gotha.

En effet, une fois les instruments de travail restitués à la société, les potentialités techniques de production parviendront à de si hautes cimes, que le jeun imposé aujourd'hui par le prix de la marchandise-force de travail disparaîtra à court terme, et la distribution des produits se rapprochera vite de celle d'une société communiste. La division du travail entre manuel et intellectuel ne tarderait pas à disparaître, le temps nécessaire d'offrir à tous une formation technique et supérieure. Et l'énorme diminution du temps de travail socialement nécessaire permise par la science au service de l'homme, libérerait des énergies et des intelligences pour le développement de la culture dans ses multiples aspects, ébauchant à l'horizon le libre épanouissement de chaque individualité.

En ce moment, le prolétariat semble loin vouloir s'engager dans cette voie, mais c'est une pure fiction érigée par les murailles politiques et syndicales qui le maintiennent encerclé, à l'aide aussi des lois et des polices capitalistes. C'est à dire les murailles érigées par les faussaires du communisme et du socialisme, ou simplement par l'ouvriérisme réactionnaire des syndicats américains, anglais et autres. Ce qui est latent dans la pensée et l'intuition du prolétariat, ne devient visible que lorsqu'il démolit les murailles qui le retiennent et qu'il agit en tant que classe. Dans ces circonstances il met en oeuvre des mesures comme celles indiquées ici ou allant vers elles. C'est ainsi qu'il a agit en Espagne en 1936 et 1937, en Grèce (1944), et en Hongrie (1956), malgré l'absence de partis révolutionnaires aptes. Actuellement la constitution de ceux-ci peut déclencher, à partir d'un certain volume numérique, une irrésistible offensive prolétarienne, la plus profonde et la plus vaste de l'histoire. Elle sera très probablement la décisive, l'exploitation n'est encore debout que grâce à la machination conjointe du capitalisme occidental et oriental, qu'ils s'entredévorent ou qu'ils cohabitent.

Notre manifeste apporte encore quelque chose de la plus grande transcendance pour la théorie et la praxis révolutionnaire. En 1848, Marx et Engels confiaient à l'Etat modifié, encore à la manière hégélienne, l'œuvre de transformation de la société. Le bouleversement de la Commune de Paris les amena à reconnaître que l'État capitaliste ne pouvait être utilisé d'aucune manière, et que, au contraire, il était devenu indispensable de le détruire, première mesure révolutionnaire. L'organisme de force qui en résulterait devait unifier entre ses mains tous les pouvoirs et sauvegarder la marche continue vers le communisme face aux tentatives restauratrices des classes expropriées. Or l'expérience de la révolution russe d'une manière, et d'une autre manière la révolution espagnole, nous ont appris (note1) que l'État propriétaire ne peut se comporter, quelle que soit sa composition humaine et sa structure constitutionnelle, que comme un capitaliste collectif.

Dans ce fait réside un des facteurs principaux de la contre-révolution stalinienne en Russie, et celui décisif de la victoire de Franco en Espagne. En un mot, l'expérience, suprême maîtresse de la pensée révolutionnaire, nous a fait comprendre que le passage du capitalisme au communisme, pendant la période dite de transition, doit être présidé par la classe ouvrière en qualité de corps social en marche rapide vers la disparition des classes. Le mettre entre les mains d'un organisme quelconque, État, parti ou syndicat, donnera toujours le plus négatif des résultats. De là que notre texte subordonne la disparition de l'État et de tout danger contre- révolutionnaire, extérieur ou intérieur à la classe prolétarienne, à la suppression de la loi de la valeur. Cette gigantesque tâche est irréalisable, excepté par les intéressés eux-mêmes, qui doivent régir la totalité du système économique et de la vie en général. L'État post-révolutionnaire, "l'État ouvrier", au lieu d'être l'organisateur du communisme, doit rester subordonné à cette dernière démarche et être privé de pouvoir sur l'économie.

C'est là la seule garantie de son extinction. Alors le feu de Prométhée, l'arbre de la science, définitivement arrachés au plus puissant de tous les dieux - le Dieu Capital et son parèdre (note2) le Dieu État - appartiendront, oui, à chaque homme, à chaque femme.

Novembre 1967 G.Munis


(1) Sur la première, je ne peux que renvoyer à l'article "La revolucion ninguna" publié dans Alarma numéro 9, deuxième série, inédit en français (et au livre "Parti État, Stalinisme, Révolution", publié aux éditions Spartacus). Sur la deuxième, voir le chapitre "La economia" du livre "Jalones de derrota : promesa de victoria", inédit aussi en français.
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(2) Parèdres est un dieu qui en accompagne toujours un autre, et réciproquement. Ainsi Isis et Osiris, Jésus et Marie…


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